Avez-vous déjà remarqué les minces feuilles du hêtre, semblables à du parchemin, qui résistent courageusement tout au long de l’hiver? Et les feuilles de chêne au brun intense qui bruissent comme du papier dans le vent?
Pourquoi ces feuilles restent-elles accrochées alors que toutes les autres sont tombées au sol?
Pour répondre à cette question, nous devons prendre en compte à la fois la physiologie et l’évolution des arbres. Tous les arbres finissent par perdre leurs feuilles. Même si nous appelons les conifères des « arbres à feuillage persistant », ils perdent leurs feuilles en forme d’aiguilles une fois par an. C’est un lent processus individuel. À l’opposé du spectre, on trouve les arbres à feuilles caduques de la forêt boréale québécoise. Pour annoncer la fin de leur cycle l’automne venu, ils se parent de couleurs vives et laissent tomber leurs feuilles sur le tapis forestier.
Pendant très longtemps, les arbres à feuillage persistant étaient les seuls arbres sur terre. Au fil du temps, ils se sont adaptés aux changements et aux conditions climatiques. De nouvelles espèces sont apparues, dont les feuillus à grandes feuilles. Les conifères se servent de leurs aiguilles pour prolonger la photosynthèse et ainsi retarder la perte de nutriments due à la chute des feuilles. Les arbres à feuilles caduques ont adopté une autre stratégie d’évolution. Ils laissent tomber leurs feuilles afin de réduire la perte d’eau et les dommages causés par le gel pendant l’hiver, tout en utilisant leurs grandes feuilles pour accroître l’efficacité de la photosynthèse pendant l’été.
La forêt boréale abrite plusieurs essences d’arbres à feuillage persistant, comme le pin, la pruche et l’épinette. On y retrouve aussi de « nouveaux venus » (sur le plan de l’évolution) comme le bouleau, l’érable et le cerisier. Entre ces deux catégories se glissent le hêtre et le chêne dont les feuilles meurent, mais ne tombent pas. Les biologistes appellent cette rétention de la matière végétale morte la « marcescence ». Elle se produit lorsque les arbres conservent leurs feuilles parce qu’ils n’ont pas les enzymes nécessaires pour en déclencher la chute. On observe ce phénomène chez les jeunes arbres de même que sur les branches inférieures des arbres matures.
Pourquoi certains arbres ont-ils des feuilles marcescentes? On ne sait toujours pas pourquoi, mais plusieurs éléments de réponse ont été avancés.
En voici quelques-uns :
Les arbres conservent peut-être leurs feuilles pour éloigner les chevreuils et les souris.
Il est possible aussi que les feuilles retiennent la neige et, au printemps, libèrent de l’humidité pour favoriser la pousse au printemps.
Serait-ce aussi que les arbres s’adaptent à un milieu sec, infertile? On les voit souvent se regrouper pour faire concurrence aux autres arbres.
Se pourrait-il qu’en perdant leurs feuilles au printemps, ils ajoutent de nouvelles matières compostables au sol de la forêt, aidant ainsi l’arbre parent dans un environnement où chaque avantage compte.
Les feuilles protègent-elles les nouveaux rameaux et les bourgeons naissants contre le gel?
Le hêtre et le chêne appartiennent à la même famille que certaines espèces à feuillage persistant, dont les chênes verts et les chênes à tan, qui ne poussent pas dans notre région. Est-ce possible qu’ils accusent simplement un retard dans la longue marche de l’évolution ?
Partout où les feuilles de ces arbres se trouvent, elles ajoutent mouvement et couleur au paysage hivernal tout en noir et blanc. Un vrai plaisir pour les yeux, elles virevoltent au gré du vent, et s’accrochent jusqu’au printemps – comme nous.