Deux études sur les salamandres sont menées actuellement sur les terres protégées de la Fiducie Massawippi.
Pourquoi ces petites bêtes font-elles l’objet de tant d’intérêt?
C’est qu’elles nous renseignent sur la santé de l’environnement.
Les amphibiens se divisent en trois ordres : le premier comporte les salamandres; le deuxième, les grenouilles et les crapauds; le troisième, les cécilies (amphibiens sans pattes que l’on retrouve seulement dans les régions tropicales). Il existe environ 400 espèces de salamandres dans le monde. Leur taille varie de 4 cm à 1,5 m! Un tiers des espèces d’amphibiens sur terre sont menacées d’extinction.
Le Québec abrite 10 espèces de salamandre, dont deux espèces qui ne se trouvent qu’au Québec : la salamandre pourpre et la salamandre sombre des montages. La salamandre pourpre vit sur nos terres protégées dans le bassin versant du lac Massawippi.
Ce sont pour la plupart des organismes au corps court et à la queue longue, qui ont quatre pattes et une peau humide. La salamandre pourpre, une variété de la salamandre des ruisseaux, n’a pas de poumons! Comment survit-elle? Elle « respire » par sa peau humide. Elle ne peut survivre que près des tout petits cours d’eau de montagne à débit moyen. Elle a besoin de roches plates et d’eau claire et pure. Un débit d’eau important indique probablement la présence de poissons, ses prédateurs. Elle vit au haut du cours d’eau, à l’ombre, dans la forêt, là où l’eau est fraîche. Elle dépose ses œufs sur la face inférieure des roches. Comme son cycle de vie se caractérise par une longue période larvaire (de trois à six ans), l’environnement et les conditions climatiques doivent être stables pour assurer sa survie.
La salamandre limite la prolifération des organismes nuisibles, car elle mange des insectes comme les moustiques. Elle se nourrit également de têtards, d’invertébrés aquatiques et de plus gros animaux comme les oiseaux, les mammifères, les serpents et autres invertébrés. C’est pourquoi elle occupe une place importante dans la chaîne alimentaire. Tout ce qui a une incidence sur ses proies ou ses prédateurs se répercute sur sa population. D’autres organismes en dépendent.
Sa peau humide et perméable la rend vulnérable à la sécheresse et aux substances toxiques. Elle est considérée comme le « canari dans la mine de charbon » parce qu’elle est sensible à tout petit changement dans son habitat et, par conséquent, se révèle une excellente indicatrice de la santé de l’écosystème.
« Au Québec, les effluents agricoles et sylvicoles, causant l’apport de sédiments et l’altération de la qualité de l’eau, constituent la menace ayant le plus de répercussions négatives sur l’espèce selon les experts. Ceux-ci lui attribuent une cote d’impact élevée. Parmi les autres menaces, trois catégories ont également un impact jugé modéré sur les populations soit : la gestion et l’utilisation de l’eau, les corridors de transport et de service, ainsi que l’exploitation forestière1 ».La salamandre favorise la résilience dans sa niche écologique, car elle :
- régule la population d’organismes nuisibles en se nourrissant de ces derniers;
- contribue à la santé du sol en sécrétant de précieux micronutriments par sa peau lorsqu’elle se déplace;
- conserve les réserves de carbone en endiguant la propagation d’insectes qui se nourrissent du tapis de feuilles de la forêt; contribue également à stocker le carbone en préservant la couverture de feuilles.
- contribue à la santé des cours d’eau d’amont.
« Le rôle qu’elle joue dans la préservation des cours d’eau d’amont est l’un des plus beaux cadeaux qu’elle puisse offrir (sans le savoir) à l’être humain. La santé de nos principaux cours d’eau — rivières, lacs et ruisseaux — dépend directement de la santé des cours d’eau d’amont, et ces cours d’eau alimentent les aquifères souterrains qui fournissent de l’eau potable aux humains2 ». [Traduction libre — extrait d’un article qui repose sur les conclusions des scientifiques M. L. Best et H. H. Welsh Jr3]
Recherches et découvertes intéressantes!
Voici les propos de chercheurs de l’Université du Missouri à Columbia publiés sur le site Science Daily :
« Les salamandres vivent sous terre. Elles vivent là où la plupart des gens ne peuvent les voir, dans les petits cours d’eau d’amont où il n’y a pas d’autres vertébrés d’eau douce. Les poissons ne peuvent subsister dans ces petits affluents. C’est là où l’eau suinte de la roche, là où tous les cours d’eau prennent naissance… les salamandres constituent un énorme volume de biomasse protéique pour ces écosystèmes de cours d’eau d’amont, d’expliquer Ray Semlitsch. C’est important parce que cette biomasse peut ensuite être consommée, par des prédateurs notamment, ou encore être décomposée. Les salamandres consomment également des insectes aquatiques. Nous pensons qu’elles constituent un maillon essentiel des systèmes de cours d’eau d’amont, qui n’avait pas encore été détecté ou découvert.
« La quantité de biomasse que nous avons signalée est nettement supérieure à ce qui avait été signalé auparavant, ce qui laisse penser que ces cours d’eau d’amont sont des écosystèmes très importants et qu’ils doivent être protégés. À mon avis, ils méritent plus de protection que les cours d’eau situés en aval. Il me semble logique de protéger l’eau là où elle sort du sol pour ainsi retenir et conserver une eau propre et fournir des services écosystémiques en aval4. » [Traduction libre]
La santé de ces importants écosystèmes, dont les forêts et les milieux humides où se trouvent la plupart des amphibiens, a une valeur inestimable. Ces environnements apportent des milliards de dollars à l’économie en soutenant les loisirs ainsi que les industries de la pêche et du bois.
En veillant à la conservation de la forêt et du bassin versant du lac Massawippi, la Fiducie de conservation Massawippi protège les terres mêmes dont la salamandre a besoin pour survivre. La protection de la salamandre et sa présence sur nos terres contribuent à notre survie.
À titre d’information
Les deux espèces de salamandre étudiées sur les terres de la FCM sont les suivantes :
SALAMANDRE CENDRÉE (Trevor Scott, Université de Sherbrooke)
Plethodon cinereus
Description : Corps mince, tête étroite et pattes courtes; bande rougeâtre ou brunâtre sur le dos ou sans bande; ventre avec motifs rappelant la cendre; queue cylindrique; taille allant jusqu’à 13 cm.
Habitat : forêts de feuillus, forêts mixtes, forêts de conifères et zones rocheuses humides
État : espèce commune et répandue au Québec
SALAMANDRE DES RUISSEAUX (COGESAF et Consevation de la nature Canada)
Gyrinophilus porphyriticus
Description : de couleur rose ou orangée avec taches plus foncées; queue comprimée latéralement de manière à former une nageoire; ligne pâle reliant l’œil à la nature; ventre pâle; taille pouvant atteindre 20 cm.
Habitat : Présente en altitude, elle fréquente principalement les résurgences et les cours d’eau à fond rocheux ou graveleux.
État : au Québec, désignée en 2010 comme « espèce vulnérable »; au Canada, désignée comme « espèce préoccupante »; présente dans les Adirondacks, les Appalaches et sur certaines collines montérégiennes.
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1. Plan de rétablissement de la salamandre pourpre (Gyrinophilus porphyriticus) au Québec — 2021-20312. Sarah Jay, Salamanders Can Do What? https://www.discovermagazine.com/planet-earth/salamanders-can-do-what
3. Best, M. L.; Welsh, H. H., Jr., The trophic role of a forest salamander: impacts on invertebrates, leaf litter retention, and the humification process, 2014.https://www.fs.usda.gov/treesearch/pubs/45487)
4. Salamanders Are ‘Keystone’ Species: Headwater Streams Critical In Food Chain, Science Daily
https://www.sciencedaily.com/releases/2008/02/080222095730.htm