Mark Gloutney est le directeur national de la science, de l’éducation et de la planification commerciale de Canards Illimités Canada.
Publié à l’origine dans The Globe and Mail le 9 septembre 2022
Temps de lecture : 4-6 minutes
Il y a de fortes chances que vous l’ayez vu au cours de l’été sur votre lac préféré : une épaisse écume à la surface de l’eau, ressemblant souvent à de la soupe aux pois. Les algues bleu-vert (aussi appelées cyanobactéries) peuvent rendre l’eau impropre à la baignade et rendent souvent malades les gens, les animaux de compagnie, le bétail et la faune.
En juillet, la Nouvelle-Écosse a dressé la liste de 26 cours d’eau soupçonnés d’avoir une prolifération d’algues bleues. Des responsables des services de santé de l’Alberta ont identifié des algues bleues dans des secteurs du lac Camp, à l’est d’Edmonton, et du lac Haunted (un nom ironique pour un endroit souillé par la sinistre boue), à l’est de Red Deer. L’autorité sanitaire de la Saskatchewan a émis un avertissement d’algues bleu-vert pour le lac Little Manitou, au sud-est de Saskatoon. En août, le district régional de la capitale de la Colombie-Britannique a constaté la prolifération d’algues toxiques dans trois lacs différents de deux parcs régionaux.
Dans d’autres régions, le problème est récurrent. Au cours des deux dernières décennies, les autorités fédérales ont surveillé de près l’état des algues dans trois lacs où la prolifération est chronique : le lac Winnipeg, le lac des Bois et le lac Érié. Le récent rapport sur l’état des Grands Lacs 2022, publié conjointement par le Canada et les États-Unis, suggère que la route est encore longue pour certains de ces plans d’eau emblématiques, citant « les menaces importantes qui pèsent sur l’écosystème des Grands Lacs, notamment les effets des nutriments ».
Si les algues sont naturellement présentes dans l’eau, l’excès de nutriments favorise leur prolifération. Le problème commence souvent très loin. L’eau de ruissellement du bassin versant s’écoule en aval, transportant des nutriments tels que le phosphore et l’azote. Cela peut être dû au ruissellement agricole, à des sources telles que des fosses septiques mal gérées ou à des débordements de systèmes de traitement des eaux usées.
Le changement climatique ne fait qu’aggraver la situation. La chaleur crée des conditions favorables à la prolifération des algues bleues. En août, des avertissements de chaleur ont été émis dans cinq provinces, de l’Ontario aux Maritimes. La Colombie-Britannique a également connu des journées de températures record cet été. Alors que les vagues de chaleur poussent de plus en plus de gens à chercher du répit dans l’eau, la maladie qui sévit dans les lacs du Canada pourrait les en détourner. Les personnes et les animaux exposés à la prolifération d’algues toxiques peuvent présenter des symptômes soudains de type grippal et des problèmes neurologiques.
Face à cette situation, que pouvons-nous faire pour garder nos lacs sains et propres ? Protéger et restaurer nos zones humides naturelles.
Les zones humides sont des écosystèmes étonnants qui ralentissent le débit des eaux de ruissellement, empêchant ainsi l’excès de phosphore, d’azote et d’autres nutriments nocifs d’atteindre les lacs et les cours d’eau. Mais elles continuent d’être sous-estimées. Enveloppées de quenouilles, les eaux calmes et sombres des marais, des étangs et des tourbières sont souvent considérées comme un symptôme de la mauvaise qualité de l’eau plutôt que comme une solution. Mais ne vous fiez pas aux apparences. Les zones humides sont l’une des solutions les plus puissantes aux problèmes chroniques de l’eau.
Les organisations de protection de la nature vantent depuis longtemps les mérites des zones humides en tant que filtres à eau et défense naturelle contre la prolifération des algues bleues. De nouvelles recherches permettent de quantifier ce pouvoir.
Pendant deux ans, Canards Illimités Canada a étudié huit petites zones humides restaurées sur la rive nord du lac Érié afin de mesurer leur capacité à réduire les nutriments dans l’eau avant qu’elle n’atteigne un lac. Ces petits milieux humides étaient des zones de faible altitude, en » bordure de champ « , qui avaient peu de valeur pour la production agricole, mais une valeur énorme pour capter les eaux de ruissellement des terres agricoles environnantes. Les zones humides ont retenu 60 % de la forme la plus problématique de phosphore soluble-réactif de l’eau. Elles ont également retenu 46 % du phosphore total et 47 % de l’azote total. Des recherches complémentaires menées au Manitoba ont montré que l’assèchement des terres humides augmente la quantité de nutriments livrés aux rivières et aux lacs en aval.
La bonne nouvelle, c’est que nous comprenons bien ce qui cause ces éclosions d’algues bleues et ce que nous pouvons faire. La mauvaise nouvelle est que nous n’investissons pas suffisamment pour avoir un impact significatif sur le problème. Canards Illimités Canada estime qu’environ 32 hectares de terres humides disparaissent chaque jour dans le sud du Canada.
Tant que nous ne ferons pas davantage pour conserver et restaurer les milieux humides, nous pouvons nous attendre à davantage de fermetures de plages et d’avis sanitaires. Au-delà de la perte évidente des plaisirs de l’été, les répercussions économiques, sociales et écologiques seront importantes. L’épuisement des stocks de poissons, les pertes pour le tourisme, ainsi que les dépenses supplémentaires liées à la surveillance et au traitement de l’eau sont autant de réalités coûteuses.
Les zones humides préservent la vie au milieu de notre crise de l’eau. Mais ces écosystèmes sont stressés. Allons-nous agir pour les protéger avant qu’il ne soit trop tard – pour elles, pour notre eau douce et pour nous tous ?
Cliquez sur le lien pour obtenir de plus amples informations et des articles sur les zones humides rédigés par nos amis de Canards Illimités : https://www.canards.ca/actualite/