Rédigé par Nicolas Bousquet, biol.,
Coordonnateur de projets terrain
COGESAF
Temps de lecture : 5-6 minutes
Le bassin versant du lac Massawippi est un secteur abritant plusieurs espèces de salamandre, particulièrement les salamandres de ruisseaux. On dénombre trois espèces de salamandre de ruisseaux, soit la salamandre à deux lignes, la salamandre sombre du Nord ainsi que la salamandre pourpre. La présence de nombreux cours d’eau en milieu forestier et montagneux favorise la présence de ces espèces autour du lac Massawippi.
Les salamandres de ruisseaux sont des petits animaux très discrets, mais fascinants! Ces amphibiens vivants principalement dans les petits cours d’eau frais et bien oxygéné, car, fait étonnant, ce groupe de salamandres ne possède pas de poumon et celles-ci vont respirer par la peau et les larves à l’aide de branchies. C’est pourquoi les salamandres de ruisseaux doivent constamment avoir la peau humide et vivent majoritairement dans le milieu aquatique. Bien qu’il arrive que les adultes s’aventurent à quelques mètres de leur ruisseau dans le milieu terrestre, on les retrouve généralement bien enfouies dans le cours d’eau sous des roches ou d’autres abris tels des branches. Quant à eux, les larves (salamandres juvéniles) sont totalement dépendantes du milieu aquatique, en raison de leur branchie.
En raison de leur dépendance au milieu aquatique, les salamandres de ruisseaux sont des espèces très fragiles. D’ailleurs la salamandre sombre du Nord est une espèce susceptible d’être désignée menacée ou vulnérable et la salamandre pourpre est désignée vulnérable par la Loi sur les espèces menacées et vulnérables (Québec). Il existe plusieurs enjeux de conservation pour les salamandres de ruisseaux et on peut dire que généralement, celles-ci peuvent être grandement affectées par la modification de la quantité ainsi que la qualité de l’eau de leur habitat. Les modifications du débit d’un cours d’eau, le déboisement de la bande riveraine, la sédimentation, l’apport en contaminant ainsi que le drainage ou l’assèchement des cours d’eau sont tous des facteurs pouvant nuire considérablement aux salamandres de ruisseaux.
Il est intéressant de savoir que certaines propriétés de la Fiducie de conservation Massawippi ont été intégrées dans un vaste suivi à long terme de salamandre de ruisseaux, plus particulièrement pour la salamandre pourpre. En effet, comme ces propriétés sont dépourvues de menaces anthropiques, il est intéressant de voir l’évolution des populations de ce secteur sur une durée de 10 ans. Ces données pourront ensuite être comparées avec les sites subissant des pressions importantes, par exemple, les sites faisaient l’objet d’aménagement forestier. De plus, peut-être que ces données pourraient permettre de comprendre l’impact potentiel des changements climatiques sur les populations de salamandres de ruisseaux. Il est possible que les changements climatiques entrainent des impacts sur les salamandres de ruisseaux notamment avec des périodes sèches de plus en plus fréquentes et intenses lors de l’été.
Ce projet de suivi à long terme découle d’une problématique souvent observée au niveau de l’acquisition de données rigoureuses pour le suivi de population, particulièrement pour les espèces à statut précaire. En effet, souvent le manque de financement pour l’acquisition de connaissance entraine des lacunes importantes au niveau des connaissances sur les tendances des populations. Le porteur de projet, Conservation de la nature Canada a donc mis sur pied un programme de suivi à long terme (10 ans) de la salamandre pourpre pour toute la région de l’Estrie. Il y a donc une dizaine d’organismes de conservation qui participe au projet, notamment le COGESAF. Chaque organisme assumant le suivi d’un petit nombre de ruisseau, cela réduit les coûts du projet et réduit la charge de travail pour chacun. Le rôle du COGESAF dans ce projet est d’assurer le suivi de deux cours d’eau sur les sites dits « sans ou peu impactés » par les activités humaines des propriétés de de la Fiducie de conservation Massawippi. Étant un passionné d’herpétologie et en poste comme biologiste et au COGESAF depuis 5 ans, ce projet me rejoint particulièrement. Finalement, soulignons la collaboration de plus d’une dizaine d’organismes de conservation s’entraidant afin d’améliorer les connaissances sur la salamandre pourpre et ainsi mieux la protéger… en espérant que ce projet inspire d’autres initiatives comme celle-ci pour d’autres espèces ou pour d’autres régions!
À propos de l’auteur : Nicolas Bousquet est biologiste et occupe le poste de coordonnateur de projets terrain au COGESAF depuis plus de 5 ans. Ces champs d’expertise sont la lutte aux espèces exotiques envahissantes et la conservation de la biodiversité. Il a travaillé comme professionnel de recherche à l’Université de Sherbrooke, pour ensuite poursuivre sa carrière dans une firme conseil en environnement et en aménagement forestier, puis comme consultant externe au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. Depuis plusieurs années, il se spécialise dans l’étude et la conservation de l’herpétofaune principalement avec les tortues et les salamandres de ruisseaux. Il a participé à plusieurs projets d’inventaire, de suivi de population, identification de menaces, suivi de pontes ainsi qu’à la création d’aménagements . Il aime aussi partager ses connaissances, notamment par le biais de conférences ou de l’écriture d’articles.