Un endroit formidable pour découvrir l’histoire culturelle, industrielle, environnementale et anthropologique de la région.
En septembre, la Fiducie de conservation Massawippi a signé un acte de servitude avec la municipalité de Stanstead-Est afin de protéger la terre adjacente aux chutes. Cette terre et la rivière Niger qui la traverse sont au cœur de notre histoire locale depuis des milliers d’années. Elles se trouvent dans la province géologique des Appalaches.
Le site se trouve sur le territoire traditionnel des Abénaquis. Des fouilles archéologiques récentes ont permis d’obtenir des preuves tangibles de leur passage et de leur présence le long de la rivière Niger. Les archéologues abénaquis ont étudié les terres situées en amont des chutes jusqu’au lac Lyster, d’où elles prennent source. Propices à la chasse et à la pêche, les plaines étaient un endroit sec que les semi-nomades fréquentaient saison après saison. La rivière servait à se déplacer du sud jusqu’au lac Massawippi, un autre lieu d’abondance pour la chasse et la pêche.
« On a fait faire des fouilles archéologiques sommaires pour voir ce qu’il y avait sur le territoire des Abénaquis. On a trouvé un percuteur qui date de plusieurs milliers d’années. On a aussi trouvé du quartz du mont Pinnacle », raconte Pamela B. Steen, conseillère municipale (aujourd’hui mairesse), dans un article de La Tribune d’avril 2021. Le quartz était un type de minéral utilisé pour le troc.
Faisons un saut dans le temps, après l’arrivée des commerçants de fourrures français et anglais, jusqu’à la période d’établissement colonial. D’autres personnes commencent à arriver dans la région dans la seconde moitié des années 1700. Certains sont des Européens, d’autres reçoivent officiellement des concessions foncières et beaucoup arrivent à pied en provenance du nord-est des États-Unis, à la recherche de terres. Comme ceux qui les ont précédés, les colons constatent que la rivière est une abondante source de nourriture, un moyen de transport et une source d’énergie. Nous ne savons pas grand-chose à propos des Tatton, une famille noire qui est arrivée ici en 1804. Mais il semblerait que la rivière, qui s’appelait à l’origine Negro River, ait tiré son nom de cette famille. Au fil du temps, le nom de la rivière est passé de Negro à Nigger, puis à Niger. Le nom actuel « rivière Niger » est mentionné pour la première fois en 1863 sur la carte « Map of the District of St Francis » (Putnam et Gray). Le mot « niger », d’origine latine, signifie « noir ». Le toponyme « rivière Niger » a été officialisé le 14 septembre 2006 par la Commission de toponymie du Québec.
Les chutes sont nommées d’après un homme, Stephen Burroughs, célèbre pour sa capacité à s’adapter à l’époque. Son infamie vient de ses talents de faussaire. Né dans le New Hampshire en 1765, il est, selon ses mémoires, le « pire gars en ville ». C’est un escroc et un fraudeur. Pendant la révolution américaine, il se fait passer pour un médecin à bord d’un navire américain. Plus tard, il vole les sermons de son père (un pasteur presbytérien) dans le Massachusetts et se fait passer pour un prédicateur célébrant des mariages, des baptêmes et bien d’autres choses. Puis, il voit un potentiel dans la contrefaçon de monnaie et de billets. En 1799, il s’installe dans le canton de Stanstead avec sa femme Sally et leurs enfants. Comme d’autres, il défriche des terres et construit des scieries et des moulins à grains, et il est probablement le premier à avoir construit un moulin sur la rivière. Ses voisins l’appréciaient beaucoup. Sa vie haute en couleur est bien documentée dans des articles américains et canadiens (voir la bibliographie plus bas).
Au cours du 19e siècle et au début du 20e siècle, le site passe entre plusieurs mains, l’agriculture et la foresterie formant la base de l’économie du nord du canton de Stanstead. En 1854, une scierie, une forge, un pont et des bâtiments agricoles sont situés à proximité du site. Une maison et sa grange-étable sont construites entre 1883 et 1906 juste en haut des chutes. Les vestiges de ces activités humaines ont été corroborés par les archéologues.
L’énergie hydraulique fait aussi partie intégrante de l’histoire des chutes Burroughs. La rivière Niger a compté de nombreux moulins le long de ses rives et en 1929, une centrale hydroélectrique est construite par la compagnie Southern Canada Power Ltd (SCP). Selon le rapport annuel de la SCP, il s’y trouve en 1930 un moulin de 2 000 chevaux-vapeur.
La construction de cette petite centrale revêt une importance stratégique pour la Southern Canada Power, qui souhaite alors se rapprocher du développement industriel de Rock Island, situé à plus de 100 km de la centrale de la Chute-Hemming. La nouvelle centrale permettrait aussi de sécuriser le réseau du sud en cas de problème de distribution d’énergie.
Lors de la nationalisation du réseau hydroélectrique québécois en 1963, la centrale devient la propriété d’Hydro-Québec. Dans les années 1980, plusieurs installations sont démantelées, dont la grange.
En 2010, un bris important se produit dans la conduite forcée, entraînant l’arrêt définitif de la production d’électricité. Entre 2014 et 2016, la cheminée d’équilibre et la conduite forcée sont démantelées.
En 2021, la municipalité de Stanstead-Est acquiert le site d’Hydro-Québec en vue de l’utiliser à des fins récréatives et de le protéger d’éventuelles transformations. Elle fait inscrire la centrale hydroélectrique à la liste des bâtiments patrimoniaux.
Ce site patrimonial est également intéressant pour sa valeur paysagère. En effet, il se distingue par la présence de la chute Burroughs, d’une hauteur de 55,17 mètres, qui fait partie de la rivière Niger. La propriété, en grande partie boisée, présente également plusieurs types de peuplements forestiers : cèdres, pruches, érables et grands pins plantés le long de la route d’accès.
La propriété nouvellement renommée « Parc des Chutes-Burroughs » abrite plusieurs types d’habitats : des milieux forestiers; des habitats aquatiques comprenant la rivière Niger, ses cascades et certains ruisseaux; et des marécages arborescents dont certains sont situés en zone inondable. Certains ruisseaux sont fréquentés par une espèce de salamandre qui sera probablement désignée menacée ou vulnérable par le gouvernement provincial, la salamandre sombre du Nord.
Quant aux espèces végétales présentes, la vergerette du Canada, la dentaire à deux feuilles et la matteuccie fougère-à-l’autruche sont vulnérables à la récolte, tandis que la vergerette de Provancher est une espèce menacée au Québec.
En septembre 2023, la Fiducie de conservation Massawippi a signé une servitude de conservation pour protéger à perpétuité la propriété de 36 acres. Une partie du site deviendra un parc et une zone récréative. La municipalité entend accueillir les visiteurs en présentant une exposition à la centrale et en permettant la promenade dans la forêt et aux abords de la rivière à la fin de 2024 ou au début de 2025.
Bibliographie
https://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/detail.do?methode=consulter&id=233557&type=bien
https://cantondehatley.ca/info/a-propos/